Le 19 mars 2015, les Pépinières viticoles Daniel et David Amblevert présentaient en avant-première, à l’intention de leur clientèle, les nouveaux investissements qui doivent permettre à l’entreprise d’affronter un avenir – qui s’annonce marqué par de nombreux enjeux techniques – et de la placer en situation de répondre aux exigences constantes des viticulteurs.
Principaux investissements : 800m2 de nouveaux locaux implantés en linéaire avec notamment des chambres froides.
Pour mieux cerner les retombées de la recherche et de l’expérimentation en matière de création de nouveaux cépages, de nouvelles variétés, ou de clones mieux adaptés, les PVA avaient invité les principaux acteurs à faire part des résultats de leurs travaux. David Amblevert l’avait souligné en préambule de ce rendez-vous de Sainte-Florence, “nous sommes à la veille d’une révolution du matériel végétal viticole : les plants produits en 2030 ne seront pas les plants d’aujourd’hui”. Les réponses attendues ont été apportées par les meilleurs spécialistes réunis pour l’occasion.
Des variétés résistantes
C’est tout d’abord Marie-Catherine Dufour, directrice de l’IFV Aquitaine-Charentes, qui a évoqué les avancées en matière de génétique, lesquelles visent à la réduction des intrants, en particulier le recours aux produits phytosanitaires, ainsi qu’à l’adaptation au changement climatique qui semble amorcé. Elle a fait le point sur les variétés polygéniques obtenues par reproduction sexuée qui sont dotées de qualité de résistance au mildiou et à l’oïdium. Quatre ou cinq variétés obtenues par l’INRA sortiront en 2016 et elles devraient être une vingtaine à l’horizon 2022. M-C Dufour évoquera également le projet “Newwine en Bordelais” qui prévoit le croisement du cabernet-franc et du petit-verdot.
Louis Bordenave, ingénieur INRA de Bordeaux, effectuera pour sa part un large tour d’horizon sur les variétés tolérantes aux maladies cryptogamiques, rappelant notamment que l’INRA de Bordeaux a mis en œuvre un programme depuis les années 70 et a obtenu de nombreux hybrides tolérants. Mais, évoquant des interruptions du programme, il a déploré “le retard de la France lié à un conservatisme poussiéreux”. Il faisait ainsi allusion aux contraintes règlementaires. Louis Bordenave n’en passait pas moins en revue l’hybride blanc 7489, le cabernet cantor, l’hibernal…
Elisa Marguerit, maître de conférence à Bordeaux Sciences Agro, abordait de son côté le projet Ideogreffe, mis en œuvre en collaboration avec l’ISVV, l’INRA, la chambre d’agriculture de la Gironde, qui vise à mieux exploiter les porte-greffes existants et à en créer de nouveaux. Ce projet prévoit l’implantation d’une parcelle appelée GREFFADAPT sur le site INRA de La Grande Ferrade. Cette dernière comportera 30 porte-greffes du catalogue français et 25 étrangers, greffés avec 5 cépages : Cabernet-Sauvignon, Ugni blanc, Pinot noir, Syrah et Grenache. C’est un travail à long terme qui peut laisser espérer l’inscription de nouveaux porte greffes d’ici 10 ans.
Regard sur les maladies du bois
Les maladies du bois de la vigne étaient ensuite “radiographiées” en profondeur par Pascal Lecomte (INRA de Bordeaux), en particulier en ce qui concerne l’esca et les champignons responsables. On retiendra de cet exposé très complet que toutes les situations de stress “avant, pendant et après plantation” aggravent les risques de développement de l’esca, en premier lieu les mauvaises pratiques de taille ou l’absence de charpente quand les ceps sont trop proches les uns des autres. Il soulignera que le traitement à l’eau chaude n’apporte aucune garantie d’absence d’esca après plantation car les champignons associés à l’esca sont tous largement présents dans les vignobles. Ce regard rejoint ainsi la position de David Amblevert, ce dernier ajoutant au moment des questions des participants, que cette méthode hypothèque la reprise, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’aoûtement des bois.
Enfin Alexandra Lusson, responsable Matériel végétal à la Chambre d’Agriculture de la Gironde, effectuera, avant de proposer une dégustation des vins qui en sont issus, un tour d’horizon sur les nouveaux clones de Cabernet Sauvignon N et de Cabernet franc N. Ces clones seront à la disposition des viticulteurs à partir de 2018. Elle indiquera parallèlement la mise en route d’un projet d’expérimentation qui porte sur les cépages secondaires et issus d’autres régions voisines pouvant être utilisés tout en respectant la typicité des vins de Bordeaux dans la perspective d’adaptation au changement climatique. Il est indiqué que la CA33 recherche des parcelles chez les viticulteurs afin d’implanter cette expérimentation. De plus, il est rappelé que dans le cadre des recherches sur le matériel végétal, de nombreux essais sont mis en place concernant différents axes tels que les maladies du bois, la flavescence dorée, la création variétale, etc.
Ce sommet de l’innovation s’est terminé par un apéritif dînatoire convivial avec le réseau “Bienvenue à la ferme”.